« Connaitre, ce n’est point démontrer, ni expliquer, c’est accéder à la vision »

Antoine de Saint-Exupéry

jeudi 16 avril 2015

L'illusion du tout économique et du tout rationnel

Dans le milieu des années 70 nous est parvenu depuis l’archipel Nippon un vent d’espoir de perfection industrielle sous la forme de la « théorie du zéro défaut ». Et il faut bien reconnaître que ces méthodes de travail Japonaises étaient et restent attractives et ont permis aux organisations de gagner en qualité et en rentabilité. Cette nécessité de tendre vers une perfection est un bien qui a bénéficié à l’ensemble des consommateurs que nous sommes. Mais hélas, ce qui devait être et rester une philosophie pour tendre vers la perfection est devenu un mythe.

Il est illusoire, en effet, de prétendre qu’une entreprise, quelques soient les qualités de son organisation, puisse prétendre à une production sans défaut.

Un surf rapide sur le web permet de prendre conscience du dérapage idéologique qui s’est emparé de cette philosophie.

 La théorie du zéro défaut est un concept d'efficacité des entreprises qui s'inscrit dans la recherche de la qualité totale. http://fr.wikipedia.org/wiki/Z%C3%A9ro_D%C3%A9faut
Quelle réalité peut-on attacher au concept de « qualité totale » ?

Voici ce qu’écrivait Bruno Lamotte dans un article « La dynamique de la qualité. In: Revue d'économie industrielle. Vol. 42. 4e trimestre 1987. pp. 16-30. »

« L'expression Total Quality Control est porteuse de malentendus parce que l'idée qu'elle veut exprimer n'est pas celle de contrôle, mais surtout celle d'amélioration de la gestion de la qualité. Il s'agit donc bien d'une philosophie toute différente du contrôle…On dit qu'une entreprise qui a réussi la mise en place et la généralisation des cercles (de qualité NDA) a fait 20 à 25 % du chemin vers la mise en place d'un système impliquant toute l'entreprise vers la recherche de la qualité, et que c'est un premier pas indispensable. La mise en place d'un tel fonctionnement dans une entreprise peut prendre plus de 4 ans. L'entreprise A (entreprise étudiée aux fins de l’article NDA) définit ainsi les liens les plus importants de la maîtrise de la qualité :
In fine, l'amélioration de la qualité vise à la hausse des profits, tant par la baisse des coûts que par l'augmentation des parts de marché. Les exigences de qualité et de productivité ne sont pas contradictoires pour elle. »

L’idée de base apparaît comme porteuse de sens et en lien direct avec le souci des clients pour une relation de confiance durable : produire des biens et services de qualité. Hélas, il s’agit aujourd'hui d’un « mode de gestion » destiné à « augmenter les profits ». Le détournement de la portée « philosophique » des projets de développement de la qualité par les théoriciens de l’industrie les ont incités en réalité à une inflation de règles et d’outils de contrôles.  On trouve ici les  fondements d’une mise sous tension des salariés non plus vers la satisfaction du client mais vers la chasse aux surcoûts. La satisfaction d’un besoin ou d’un désir n’est plus alors  la finalité réelle de l’entreprise mais un possible bénéfice secondaire.

On comprend que l’objectif initial est d’amener les entreprises à tendre vers le zéro défaut. Mais insidieusement, certains se sont mis à croire que le mythe pouvait devenir réalité ! C’est du moins ce qu’ils laissent entendre à leurs partenaires quand ils leurs refusent le droit à l’erreur. C’est le message que les grands donneurs d’ordres se sont plu à faire entendre à leurs différents partenaires en interne d’ailleurs comme en dehors de l’entreprise.

S’étant fixé cet objectif irréaliste, ils ont pris conscience que leurs partenaires, leurs fournisseurs étaient dans l’incapacité d’y parvenir.  Ils ont remis en cause leur confiance relationnelle traditionnelle en les jugeant incapables de trouver des solutions par eux même. Pour pallier à ce climat de méfiance, Ils ont mis en place des outils afin de créer un climat de « confiance artificielle ». En rationalisant toutes les opérations de fabrication chez tous les intermédiaires depuis la matière première brut jusqu’au produit finit, on supprime les aléas et on obtient un produit sans défaut.

Avant de poursuivre ma démonstration, je souhaite m’arrêter un instant sur la problématique du profit dans les entreprises. Pratiquement tous les dirigeants s’accordent aujourd’hui pour affirmer que la finalité de leur entreprise c’est de faire du profit. A la suite de Milton Friedman, économiste et grand théoricien de l’économie libérale, ils s’accordent à penser que c’est difficile voire impossible de concilier responsabilité social et sociétale et performance économique. Les grands élans écologistes que nous vivons actuellement poussent certains à communiquer sur le « développement durable » dans lequel ils tentent d’inscrire leur entreprise mais en réalité, quand on gratte le vernis, on découvre qu’il s’agit généralement d’opérations de communications.

Il me semble personnellement que les maux que subissent les systèmes économiques en ce début de 21ème siècle viennent de la « confusion de finalité ». Faire du profit n’est pas et ne pourra jamais être une finalité. C’est un moyen. Et comme vous pouvez le constater dans le schéma ci-dessous, les moyens sont très bas dans la dynamique de motivation d’un collaborateur voir d’un usager ou utilisateur.



Voici la définition de la finalité dans Encyclopaedia universalis. Accrochez-vous !

« La finalité d'une action en est le « pourquoi », le sens, par opposition à son « comment », aux mécanismes ou fonctionnements qu'elle met en jeu. Le mot « finalité » et l'expression « cause finale » sont démodés ; on les emploie souvent entre guillemets, comme antiscientifiques. »

« La finalité est éprouvée comme une évidence lorsque l'on entreprend de faire quelque chose, d'obtenir un résultat. Cette évidence conduit à interpréter comme « finalisée » l'action observée d'un autre : Que veut-il faire ? Quel est le sens de son acte ? On pense observer de la finalité, non seulement dans l'action d'un homme, mais dans le comportement ou la structure d'un organisme, même supposé inconscient, si l'on y voit une certaine adaptation de moyens à une fin, si ses actes ou ses organes semblent appropriés à sa survie. On en trouve de même dans tout système constitué, vivant ou non, lorsque ses parties paraissent agencées relativement à une fonction de l'ensemble. Un appareil qui résulte de notre « faire » nous savons qu'il est finalisé – par nous. Un équipement industriel sert aux usagers, son fonctionnement a une fin. Par analogie, les systèmes naturels donnent l'impression d'avoir une fonction bénéfique ou maléfique. »

La finalité d’un autocar, c’est de transporter des usagés. Ce n’est pas de rouler économiquement. Tant mieux si les deux sont conciliables. Si l’entreprise de transport met comme finalité l’économie, il faut qu’elle cesse de faire rouler ses autocars ! Nous pouvons comprendre que les messages de maîtrise des coûts répétés à l’envie aux salariés de certaines entreprises finissent par brouiller le sens de leur engagement et la compréhension de l'utilité de leur entreprise.

Dans l’industrie, on observe un phénomène de mode actuellement, c’est le développement  du Lean Manufacturing ou « gestion sans gaspillage ».
Voilà la définition que l’on trouve sur le site «leleanmanufacturing.com »:

« Le Lean Manufacturing est basé sur l’élimination des Gaspillages ou Muda au sein des processus de production.
Les apports du Lean sont une réduction des stocks et des temps de production ainsi qu’une meilleure qualité, moins de dommages et d’obsolescences, et une plus grande flexibilité grâce à une organisation autour des processus.
Les Principes du Lean manufacturing

  • Quantifier la Valeur : La valeur est définie en relation avec le client.
  • Identifier la Chaîne de Valeurs : Mettre en évidence l’énorme quantité de gaspillages.
  • Créer un nouveau Flux : Réduire les Gaspillages et réduire la taille de lots et les encours.
  • Laisser le client tirer le produit à travers la chaîne de valeur : Produire seulement ce que le client a commandé.
  • Rechercher la Perfection : Améliorer continuellement la qualité et éliminer les gaspillages. »
On comprend à la lecture de cette définition que les entreprises qui choisissent la mise en place d’une organisation « lean » risquent fort de focaliser les énergies non pas vers le souci permanent d’œuvrer à la finalité réelle de l’entreprise en tant que productrice d’un bien ou d’un service mais d’élever la dimension économique au rang de finalité. La conséquence de cet état de fait, c’est la perte d’identité de l’entreprise ce qui entraîne la perte de cohérence et une confusion dans la compréhension de son positionnement sur son marché. Le message de préoccupation économique envoyé aux partenaires et clients créé une dynamique de discussion sur les prix et les économies au dépend de l’innovation et bien souvent de la qualité des produits et des services.

Quand les Dirigeants expriment explicitement que la finalité de leur entreprise c’est le profit, ils induisent dans leur écosystème un mode de réflexion, de communication, de pensée, d’idéologie même…reposant sur le tout économique. Les conséquences sont immanquablement une perte du sens de la raison d’existence même de celle-ci, un mal être au travail des collaborateurs qui n’ont plus la compréhension intelligible du sens de leur engagement dans l’entreprise, le désengagement des forces vivent, des revendications salariales fortes (valeur de l’entreprise), des discussions avec les clients et partenaires qui reposent principalement sur les prix, la mise en place de communication artificielle pour donner l’illusion d’une utilité…

L’outil de rationalisation par excellence c’est la norme.

Dans son article « La normalisation de la qualité et l'évolution de la relation de production. In: Revue d'économie industrielle. Vol.75. 1er trimestre 1996. pp. 291-307. » Denis Segrestin écrivait

 « La mise en œuvre du partenariat implique que les opérateurs qui se retournent vers le marché puissent y déceler des «signaux visibles» (confiance institutionnelle NDR) de nature à compenser les asymétries d'information, puis à susciter la confiance, pour parvenir finalement à la constitution de véritables dispositifs de coopération. Encore les « signaux» en question (tels que l'exhibition de labels ou de certificats) ne sont-ils pas suffisants à cet effet : pour traiter au quotidien avec ses sous-traitants devenus partenaires, l'entrepreneur a besoin d'instruments de transaction robustes et économes... Pour nous arrêter sur ces données élémentaires, les normes de type ISO 9000 seraient aujourd'hui l'une des technologies adéquates à la mise en œuvre d'une telle stratégie: elles jouent le rôle de signal sur le marché ; elles prescrivent une méthodologie rigoureuse de gestion de la coordination interfirmes ; elles constituent un outil de coordination standardisé, adéquat au souci des économies de transaction. »

La capacité d’une entreprise fournisseur potentiel à répondre aux exigences des normes ISO 9000 est considérée comme un signal fort de confiance institutionnelle susceptible de favoriser la relation commerciale.
Mais l’auteur poursuit quelques lignes plus loin :

« La lecture la plus accommodante du texte des normes 9001 et 9002 ne manque pas de relever que tous les devoirs y sont imputés au fournisseur -comme si le système avait pour finalité véritable le traitement du contentieux et l'attribution préalable des responsabilités au vendeur »

En d’autres termes, souhaitant parvenir à un niveau de qualité total, l’industriel rompt le lien de confiance traditionnel qu’il entretien avec ses fournisseurs pour le mettre en demeure de lui fournir des produits « zéro défaut ». Pire, il prévoit dès le début de la relation commerciale que le fournisseur sera tenu pour responsable de tous les aléas de fabrication à venir.

Dans les faits en réalité, une telle relation n’est pas tenable dans la durée et la négociation en cas de difficultés l’emporte généralement. Mais dans les faits également, un tel niveau de pression exercé sur un fournisseur le pousse au mensonge par omission. Comment reconnaître ma responsabilité quand les conséquences pour mon entreprise sont… incalculables. Et le mensonge est le poison de la confiance !
Analysons maintenant les arguments mis en avant par les organismes de certification dans leur communication.
Si on se connecte au site internet www.iso.org,( la normalisation des entreprises selon le référentiel iso étant certainement le plus répandu dans le monde), voici ce que l’on peut lire:

« Les Normes internationales garantissent des produits et services sûrs, fiables et de bonne qualité.  Pour les entreprises, elles sont des outils stratégiques permettant d'abaisser les coûts, en augmentant la productivité et en réduisant les déchets et les erreurs… »

Dans cette seule phrase d’introduction à la norme, on note tout le paradoxe et l’illusion de la démarche. L’organisme de certification vous promet l’impossible : la garantie de produits et services sûrs, fiables et de bonne qualité. Puis, vient ensuite le réel bénéfice de la normalisation en lien avec l’approche purement gestionnaire des entreprises : abaisser les coûts, augmenter la productivité et réduire les déchets et les erreurs.

Vouloir réduire les coûts et gagner en productivité sont des objectifs logiques et de saine gestion, mais attention aux « contres coûts » que peuvent entraîner une démarche mal digérée.
La mise en place de normes permettant d’apporter les garanties nécessaires aux consommateurs quant aux possibilités de « jouir » de leur bien de façon satisfaisante est un progrès nécessaire. Mais restons-en là. Quand elles prétendent devenir des outils de performance économiques, elles se détournent de leurs finalités. Il ne s’agit pas en effet de remettre en cause les bienfaits de l’organisation et d’une certaine rationalisation dans les processus industriel, mais il s’agit de quitter le monde de l’illusion pour revenir au réel et accepter une vérité fondamentale : il y a toujours une part d’aléas dans tout process industriel.

La normalisation à outrance a eu et continu à avoir des conséquences dramatiques sur les entreprises Françaises.

En succombant à l’illusion du zéro défaut, les théoriciens de l’industrie ont mis à mal l’esprit d’entreprendre et les capacités créatives des entreprises. Il en découle une approche commerciale catastrophique avec comme seul identité résiduelle et comme seul argument commercial pour nos entreprises : l’argument du prix. 

vendredi 20 mars 2015

L’hyper normalisation et la perte d’identité des entreprises

La normalisation c’est une opération de lissage des différences. Normalisation et standardisation sont deux réalités qui vont de pairs.  Le mille-feuille normatif (accumulation des normes NDR) a pour conséquence la perte de l’identité des entreprises. La perte de l’identité d’une entreprise, c’est la perte de sa visibilité commerciale sur le marché. Le seul argument valable quand on a perdu son identité spécifique, c’est le prix. Or chacun sait que si l’argument du prix est le seul argument, les jours des entreprises Françaises  sont comptés. Il y aura encore longtemps dans le monde des pays qui produiront pour moins cher que nous.

Ce qui est constitutif de l’identité d’une entreprise ne se limite pas à son image. L’identité est une réalité plus profonde, un mixe de l’historique, des relations sociales, des valeurs, du secteur d’activité, de la personnalité du ou des dirigeants, de la nature des produits, du niveau de service, des capacités d’adaptations, des capacités créatives et d’innovations… Toutes ces réalités seront ressenties intuitivement par les acheteurs potentiels lors de leurs recherches de fournisseurs. Nous sommes en grande partie dans la dimension irrationnelle de la relation. Cela se manifeste lorsque l’on dit d’une entreprise ou surtout d’une personne et en l’occurrence, du représentant de l’entreprise : « je ne le sent pas ».

Voici ce que pourrait être une relation client fournisseur reposant sur la confiance :


Maintenant voici la même relation mais sous un régime de l'hyper-normalisation



Pour répondre aux « exigences du client », les fournisseurs acceptent une certaine forme d’ingérence dans leur propres entreprises. Les clients prennent en main  l’organisation. Or, les modèles d’AQF (assurances qualité fournisseurs) ne sont pas poly-compatibles. Le résultat c’est que les entreprises qui fournissent les grands donneurs d’ordres sont priées d’adopter les valeurs culturelles de leurs clients. Quand il y a plusieurs clients ayant plusieurs systèmes de valeurs, l’opération devient délicate et se résume par la mise en place d’un système basé sur le plus petit dénominateur commun. En clair, la perte d’un système de valeurs fédératrices pour l’ensemble des collaborateurs. On assiste à la mise en place d’un système a minima qui consiste surtout à énoncer des principes généreux que l’on placarde partout dans l’entreprise et surtout dans le hall d’accueil  comme pour conditionner le visiteur et éviter qu’il ne découvre la triste réalité.

Revenons un instant sur cette formule des « exigences du client ». Elle indique à quel point nous sommes passés sous le régime du rapport de force. Les clients, les donneurs d’ordres exigent de leurs fournisseurs des garanties, des engagements, des assurances… qui très souvent dépassent largement ce qui semble raisonnable (prenons pour exemple les exorbitantes pénalités de retard prévues dans certains contrats). En abusant de leur position dominante, ils poussent certains à prendre des positions déraisonnables et mortifères.

Perte des valeurs, perte d’identité, produits banalisés… perte de confiance…reste le prix. Pour éliminer toute velléité de négociation de la part des fournisseurs, reste la mise en place des enchères dégressives… quelles marges de manœuvre reste-t-il alors pour garder la maîtrise de son développement ?


Je discutais la semaine dernière avec un fournisseur de pièces pour l’automobile. Il fournit aujourd’hui son client avec un grade qualitatif de 30 ppm (parties pour million) soit : 30 pièces hors « normes » sur 1 million ! Il vient d’avoir une discussion avec son client qui lui réclame maintenant un grade qualitatif de 5 ppm ? Son inquiétude est grande face aux actions à mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.  Il se trouve devants deux risques : un coût financier qui le mettra hors de prix; et un coût social qui le mettra hors d’usage !

Sous la pression normative et la nécessité de répondre aux « exigences » des clients dans l’illusion du « zéro défaut », la mise en place de solutions pour améliorer la qualité va prendre, dans le temps, la forme suivante.



Période 1, toutes les actions mises en œuvre vont porter leurs fruits et les progrès vont être efficaces et motivants.
Période 2, on observe un ralentissement du processus. Les actions entreprises sont moins efficaces et on constate un essoufflement chez les collaborateurs. Les contraintes prennent le dessus et il devient difficile de garder un esprit de créativité qui donne du sens à l’engagement dans l’entreprise.
Période 3, les coûts engendrés par la mise en place de nouvelles mesures et des contrôles qui vont avec deviennent exorbitants, les gains en qualité obtenus pour chaque action entreprise sont minimes, les collaborateurs sont démotivés par manque d’efficacité et de reconnaissance et l’entreprise a perdu son identité.
Finalement, les coûts financiers, sociaux et d’images auront raison de la politique qualité de l’entreprise qui va immanquablement se dégrader à nouveau.

Nous sommes dans beaucoup d’entreprise en période 3. 


Il y a donc une nécessité à redécouvrir le sens d’un engagement partenaire reposant sur la confiance avec ses clients et partenaires Cette démarche est difficile et nécessite des trésors d’astuces relationnelles. Mais cette démarche n’est pas impossible. Elle repose, entre autre, sur la réappropriation et la mise en lumière de la véritable identité de l’entreprise. 

vendredi 13 mars 2015

A propos de la relation de confiance

La confiance repose sur 3 notions de bases qui sont :
-       l’intégrité
-       La bienveillance
-       Et la crédibilité
L’intégrité dans une relation, c’est de promettre et de faire ce dont je suis capable. Si je dois mettre en œuvre des processus inexpérimentés, l’intégrité veut que j’informe mon interlocuteur. Dans une économie dominée par la volonté de maîtrise des aléas, c’est un réel risque à prendre. 

La bienveillance, c’est vouloir du bien pour l’autre. Veiller à son bien ! Il s’agit dans une relation de se préoccuper de ce qui est bon pour l’autre et non plus de se préoccuper de ce que j’attends de l’autre. Dans l’organisation d’un atelier industriel par exemple, je ne me focalise plus sur les objectifs de production, mais je me préoccupe des conditions à mettre en place pour créer une environnement favorable au désir de bien produire.

La crédibilité, c’est un langage de vérité qui évite comme un poison l’utilisation du mensonge sous toutes ses formes : en parole, en action et par omission.

Lawrence Zucker, sociologue américain qui s’intéresse aux modes de production de la confiance a identifié dans ses travaux 3 niveaux de production de confiance dans l’entreprise qui sont :
1.     La confiance institutionnelle
Basée sur les structures de Confiance
2.     La confiance relationnelle
Basée sur l’expérience historique; principalement inter- personnelle, mais pouvant être étendue à un groupe; c’est la base de la coopération 
3.     La confiance « Intuitu Personae »
Attachée à une personne mais exogène à la relation (reconnaissance d’un diplôme par exemple)





La confiance institutionnelle pour une entreprise, ce sont tous les investissements en Marketing et Communication, tous les gages de sérieux et de compétence que l’organisation génère pour rassurer son environnement. En se construisant une image, en investissant dans des évènements, en développant des argumentaires, en réalisant des films publicitaires, des plaquettes commerciales, en choisissant une structure juridique plutôt qu’une autre, en normalisant son organisation, en cherchant des recommandations…elle a un objectif c’est de nous convaincre qu’elle est digne de nous avoir comme client.
La confiance relationnelle est liée à l’expérience historique développée avec les collaborateurs de cette entreprise. Elle se construit sur une expérience personnelle et individuelle. Elle se construit également sur la rumeur (ce qu’en disent les autres).
La confiance Intuitu Personae est la confiance que j’accorde individuellement aux personnes de l’entreprise que je suis amené à côtoyer et plus particulièrement dans le cadre d’une relation commerciale, avec le « représentant » de l’entreprise. Ce niveau de confiance se construit sur des facteurs objectifs ou considérés comme tels : appartenance ethnique, diplôme… mais se construit également dans le temps et par l’expérience : Je le connais, il me connait, il répond généralement efficacement à mes demandes…
Voici schématiquement comment se construit ou se détruit une relation de confiance.



La confiance se construit dans le temps et d’une manière générale, notre première attitude dans une relation est une attitude de méfiance. Ce qui va permettre à cette relation de confiance de se construire, c’est la façon dont nous allons nous sentir entendu et compris par notre interlocuteur, le respect avec lequel il va traiter nos demandes et la qualité des réponses qu’il va nous apporter. Si notre ou nos interlocuteurs se montrent inattentifs à la progression de l’installation d’un climat de confiance, s’ils se montrent dans l’incapacité à répondre à nos questions, s’ils ne tiennent pas leurs engagements, alors nous ne franchirons pas la barre de la confiance, nous resterons méfiant voir nous tomberons dans la défiance.

Dans une relation managériale, la posture d’autorité qu’incarne le manager lui donne un rôle déterminant sur la mise en place d’une relation de confiance. C’est à lui de faire le premier pas. Pour permettre à son ou ses subordonnés d’engager la démarche, il faut un signal fort. Il doit donc décider de faire confiance et poser des actes qui prouvent son engagement. Il doit prendre le risque de faire confiance. Quand la culture de la confiance n’est pas la culture dominante dans son entreprise, il doit persévérer.

On observe que certains managers souhaitent sincèrement établir la confiance dans leurs équipes. Mais ils doivent faire face à des habitudes de méfiances ou de défiances. Au premier échec, à la première « trahison », la tentation est forte d’un retour en arrière brutal qui trouve dans cet échec une nouvelle légitimité. Pour les collaborateurs chez qui le changement de paradigme relationnel avait créé un espoir de jours meilleurs, un retour en arrière est la garantie d’une réelle démotivation.

Le pire des poisons de la confiance, c’est le mensonge. Lorsque mon interlocuteur s’est engagé, qu’il a fait des promesses mais qu’il ne les tient pas, je lui retire ma confiance.

La succession  d'événements positifs met en place la confiance en faisant tomber l’une après l’autre les barrières de la méfiance. Ces barrières sont autant de craintes, de peurs qu’il faut apprivoiser ou combattre pour finalement s’ouvrir en vérité à son interlocuteur.

mercredi 4 mars 2015

Retrouver l’esprit de Coopération
La récente émission sur le Bonheur au travail proposée par Arte nous apprend que 61% des salariés sont « désengagés » dans les entreprises Françaises. Ils viennent chercher un salaire, 28% sont « activement désengagés ». Ils sont en état de souffrance et agissent pour détruire l’objet de leurs souffrances et seulement 11% sont engagés dans leur travail !
La gestion des ressources humaines est une préoccupation constante des entrepreneurs depuis le début de la révolution industrielle. Elle a fait preuve de nombreux tâtonnements. Après deux siècles d’expérimentations, force est de constater que l’Homme reste un mystère pour l’entreprise.

Avec l’apparition des moyens de propulsion mécaniques à la fin du 18ème siècle puis des moyens de communication électroniques (téléphone au 19ème siècle), l’humanité est entrée dans un processus exponentiel d’accélération du temps et d’abolition des distances géographiques.
Cette réalité technique a permis une accélération incroyable du développement surtout dans les pays dit industrialisés puis l’avènement de la mondialisation et l’apparition du principe de « village mondial » qui laisse à penser que les Chinois sont nos voisins les plus immédiats. Chaque jour nous pouvons être en contact en direct avec des collaborateurs, des clients des partenaires où qu’ils se trouvent dans le monde.
La dimension humaine est à la fois pilote, bénéficiaire et victime de ce phénomène. Elle se trouve ballotée dans les remous successifs et rapprochés des vagues de changements auxquels il faut sans cesse faire face. 
La part humaine dans l’entreprise a connu au début de l’air industriel une période avilissante avec l’école classique en 1910 ou l’homme est reconnu comme une simple ressource subordonnée aux contraintes de production. C’est le principe de rationalisation avec les travaux de Ford, Fayol et Taylor ; En 1930 avec l’avènement de la première grande crise économique mondiale s’ouvre une période  humaniste. C’est l’école des relations humaines et les travaux de Mayo, Maslow, Lewin, Mac Gregor… La productivité est liée, pour les tenants de cette approche, aux facteurs humains et repose sur l’importance de rendre intelligible aux travailleurs la tâche qu’ils ont à accomplir. Le clivage décisionnel entre la direction et les ouvriers subsiste; En 1960 apparait l’approche systémique et stratégique des organisations. Les travaux de Crozier et Friedberg permettent de mettre en évidence l’influence de l’environnement et les limites des règles sur le degré de motivation des salariés et leur productivité ; en 1970, face à la monté des revendications sociales on observe la mise en place des approches contractuelles avec une judiciarisation des relations dans le travail qui continue à s’accentuer aujourd’hui encore; enfin les années 90 connaissent l’avènement de l’approche gestionnaire avec la financiarisation des entreprises, approche qui a toujours cours aujourd’hui et dont la conséquence principale est un brutal retour à la case départ et une gestion avilissantes de « ressources humaines ». En 2008, la deuxième grande crise mondiale créé une dynamique de replis sur soi et on observe la mise en place d’un courant de gestion individuelle de l’homme au travail. C’est l’hyper psychologisation avec, entre autre, le développement de l’accompagnement individuel (Coachs de la performance). Le risque majeur de cette approche, c’est l’individualisation excessive et la perte de l’esprit de coopération.


L’homo Economicus qui est la clé de tout développement économique se trouve donc depuis la fin du 19ème siècle balloté dans la spirale de l’accélération du temps et du développement des moyens de communication. Sa capacité à l’autodétermination pose un problème dans la vision gestionnaire de la gouvernance des entreprises. Nul n’est certain en effet, contrairement à la mise en œuvre d’une machine,  que le résultat du travail réalisé par un collaborateur sera le résultat attendu. Comment espérer alors atteindre ses objectifs et planifier un développement? La tentation est forte de le remplacer par une machine.
Les scientifiques se sont penchés sur le mode de fonctionnement de l’homme pour tenter de prévoir ses réactions et d’organiser les conditions environnementales favorables à la productivité attendue. Mais après 1 siècle de recherches et de mise en application, les résultats sont pour le moins décevants. Aucune Ecole, aucun courant de pensée aucune technique n’a pu venir à bout de l’imprévisibilité des réactions humaines. Et c’est tant mieux !
La conséquence de l’approche mécaniste de l’organisation des entreprises, c’est une perte de repères et une  déstructuration des personnes avec une tendance à fragmenter l’homme en morceaux utiles (cerveau ;  bras) pour le contrat passé avec l’entreprise et en morceaux inutiles voir considérés comme néfaste (cœur avec sa dimension affective, cerveau pour les exécutants, dimension spirituelle…)  et donc au mieux ignorés, au pire, combattus. Mais la nature humaine se révolte et tend à retrouver son intégrité son équilibre sa dignité. C’est l’avènement du développement individuel. La vie au travail créant un déséquilibre dangereux, l’Homme cherche un rééquilibrage ailleurs. Il consulte, se fait accompagner, fait du sport, il développe des conduites à risque, il est tenté par l’expérience sectaire, il développe des  maladies… la génération Y qui ne croit plus à un possible épanouissement au travail et peine à se mobiliser est sans doute l’aboutissement de ce processus.
La ressource humaine a cette extraordinaire qualité c’est qu’elle est « intelligente » ce qui lui donne la capacité à l’autodétermination soit la capacité de choisir librement si oui ou non elle va coopérer à la finalité de son entreprise. L’observation du schéma précédent nous amène à constater qu’il a fallu sans cesse développer de nouveaux courants de pensées pour essayer d’améliorer la disponibilité et l’efficacité de la ressource humaine au travail. La perte de vue de vue cette nécessité de la coopération intelligente créé des conditions de crises.
Depuis les années 90, c’est la gestion qui prédomine dans le mode de management des entreprises avec une finalité : faire du profit.
Quand on parle dans les séminaires de management de la nécessité de donner une vision d’entreprise on mesure la limite qu’il y a de faire du profit la réelle vision des dirigeants ou des propriétaires. Bien évidemment, cette finalité sous-jacente n’est jamais exprimée de manière brutale. Mais quand elle est ancrée dans les gènes de l’entreprise, elle transparaît et tous les discours qui tentent de la faire disparaître, tous les chiffons rouges agités pour détourner l’attention sont autant d’éléments de fragilisation de la confiance potentielle.
Dans une vision gestionnaire du management la rationalisation prend des allures de philosophie d’organisation. L’homme est alors considéré comme une ressource au même titre que les autres ressources nécessaires à la production. Mais l’homme n’étant ni un objet, ni une machine mais un corps organique capable d’autodétermination, il  est souvent perçu comme une limite. Ses aléas biologiques, psychologiques, sa nature même, font de lui une ressource peu fiable. Dès que cela est rendu possible, il est remplacé par une machine.
L’homo économicus est donc désunifié chosifié puis désemployé.
Face à certaines dérives constatées par l’augmentation des plans sociaux, le développement des maladies professionnelles, le développement des suicides sur les lieux de travail, le développement de la violence au travail… les pouvoirs publics tentent d’allumer des parts feux législatifs. C’est le cas, par exemple, des récentes lois sur les Risques Psycho Sociaux. Ce faisant, ils augmentent les contraintes de gestions et la judiciarisation des relations. La conséquence c’est la perte du lien directe et du lien de confiance entre les personnes. Chacun se réfugie derrière les textes de loi et l’homme de loi a fait une entrée remarquée dans la gestion des relations et des conflits dans les entreprises.
En parallèle de ce phénomène de judiciarisation de la relation s’est développé un sentiment de victimisation. Chacun d’entre nous peut aujourd’hui au regard de la loi se considérer comme la victime d’un système ou d’un autre, d’une personne ou d’une autre. La conséquence de cette attitude c’est la passivité et l’agressivité. Quand je suis la victime d’une injustice, j’attends de plein droit que cette injustice soit réparée. Je deviens donc passif dans l’attente que le coupable répare l’injustice.
Redonner du sens à l’engagement de tous dans l’entreprise n’est plus une option.

Pour y parvenir avec succès, un travail en profondeur sur la Vision, la Finalité, les Valeurs, le Projet... de l’entreprise est une nécessité. Leurs mises en lumières seront autant d’occasions de permettre à chacun de retrouver des raisons à s’engager à nouveau dans une démarche de coopération. Elles redonneront à la dimension Humaine de l'entreprise la capacité de compréhension intelligible de la "raison d'être" de leur entreprise et ils pourront alors décider en conscience d'adhérer au projet. 
Et pour le respect des salariés, cessons définitivement de gérer les Hommes et les Femmes dans l’entreprise comme une vulgaire ressource!